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jeudi, avril 18, 2024

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Chronique : « Les mobilisations virales citoyennes » sur les réseaux sociaux au Cameroun

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La blogueuse Gaelle Onana partage sa réflexion sur la capacité des camerounais à se mobiliser pour des causes diverses sur les réseaux sociaux avec impact dans la réalité…

Le 07 Janvier 2015 dernier a eu lieu une terrible tragédie. Un attentat faisant plus de dix morts dans les locaux de la rédaction du journal Charlie Hebdo. En réponse à ce malheureux événement, de nombreuses mobilisations ce sont organisées de ça et là en France. Les médias tous unis contre la liberté d’expression dite ici bafouée se sont eux aussi enrôlés dans le mouvement. Loin de moi l’envie de vous refaire l’historique et l’apologie du #JeSuisCharlie, je pense qu’on en a assez lu et relu ces derniers temps. L’intérêt de mon papier est de poser un constat sur la place accordée au médias sociaux dans les mobilisations citoyennes au Cameroun.

La question que je me suis posée est la suivante : les réseaux sociaux peuvent-ils être considérés comme des canaux de  mobilisations et revendications au Cameroun ?

S’il faut commencer quelque part, nous commencerons par dire ceci : d’une manière générale, à travers le monde, les réseaux sociaux ont considérablement transformé les échanges entre les citoyens et les États. Ils sont un moyen pour tous d’informer et de s’informer en temps réel. Ils sont aussi des vecteurs de politique et de citoyenneté de plus en plus marquants donnant la possibilité aux individus de réagir et d’interagir sur tous les sujets et entraînant ainsi une accélération des mobilisations. Mais restons réalistes, il n’en demeure pas moins que ces mobilisations, du moins pour les plus abouties, s’appuient très souvent sur des groupes déjà préalablement constitués dans le monde réel (tels que les médias par exemple).

Si l’on prend le cas de la révolution égyptienne, elle a certes énormément usé des réseaux sociaux pour se déployer, mais la mobilisation s’est enclenchée par des groupes déjà influents dans la sphère réelle, permettant ainsi de convaincre de jeunes utilisateurs des réseaux sociaux qui eux n’étaient pas forcément engagés. De ce fait, la réelle place utilisée  par les réseaux sociaux dans cette révolution a été de lui donner une dimension mondiale en engageant la participation d’un nombre assez important de personnes autour de la même cause.

C’est là le caractère assez exceptionnel des réseaux sociaux. En effet, ils permettent une diffusion beaucoup plus rapide des mouvements notamment sur Twitter grâce aux Hashtags. Nous observons que les potentialités autour du WEB sont de plus en plus énormes : visibilité, veille, dénonciation ou répression, tout y est possible, il suffit de s’en donner les moyens. Dans de nombreux cas, les réseaux sociaux sont devenus le lieu de rapports de forces entre différents acteurs, voulant chacun donner leurs avis.

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C’est ici une transformation plutôt étonnante quand on pense que la visée première des réseaux sociaux n’était pas celle là. « A la source » ce sont uniquement des lieux de socialisation entre citoyens lambdas. Entendez ici des lieux d’échanges d’informations personnelles, lifestyle (et c’est encore en très grande partie le cas). Mais on observe aujourd’hui une mutation. Les acteurs publiques et médiatiques ont avec raison commencé à donner beaucoup plus d’importance à ces canaux. Bien qu’au départ les réseaux sociaux étaient la « chose du blanc » (entendez ici utilisés en grande partie par des occidentaux), nous observons aujourd’hui que la population tiers-mondiste est de plus en plus connectée (notamment les africains).  Prenons un exemple (et en politique en plus) les élections présidentielles de 2012 au Sénégal ont montré qu’il y avait une mutation dans la fracture numérique entre le Nord et le Sud avec une forte vigilance sur les Hashtags par les individus, les journalistes et les e-observateurs locaux et internationaux. Cela a d’ailleurs permis de saisir certaines « manipulations » qui étaient mises en place par le pouvoir sortant, rendant ainsi plus optimale la transition démocratique que voulait voir s’opérer les citoyens de ce pays. La liste des exemples est longue, il n’est pas ici question de présenter toutes les formes de mobilisations citoyennes, mais surtout de voir comment et pourquoi elles sont devenues aussi importantes. En prenant l’exemple d’autres pays, notamment africains, c’est l’occasion d’observer comment et pourquoi ce type de mobilisations sur des sujets locaux peine à se déployer au Cameroun.

Ce n’est pourtant pas les belles causes qui manquent au Cameroun ! Loin de moi l’envie de dire qu’aucune action n’est menée sur les réseaux sociaux par les camerounais, ce n’est pas du tout mon intention. Il en existe de nombreuses : culturelles, économiques, sportives, etc… Pour ne prendre qu’un exemple on peut penser à la bande dessinée « La Vie d’Ebène Duta » qui a connu un soutien impressionnant sur le net. Côté sportif, il suffit d’observer les interactions et les commentaires des citoyens durant les matchs. BREF, il y a de quoi faire. Car oui, selon moi, les mobilisations citoyennes ne sont pas que politiques ! Appartenir à un pays, être citoyen, c’est participer à la vie de celui-ci. Cette vie est à la fois culturelle, politique, sociale et économique. Ceci dit, selon moi, les causes culturelles ont dans le cas du Cameroun un écho plus favorable. Quant à elles, les causes politiques (ou géopolitiques) sont assez négligées voire peu suivies sur les réseaux sociaux. La faute à qui ? J’ai décidé de ne pas juger, disons que c’est la faute à tous.

Nous tous, utilisateurs, citoyens comme médias, nous peinons clairement à les impulser et même tout simplement à les suivre quand certains d’entre nous le font. Les causes culturelles sont engendrées par les artistes eux mêmes, les causes politiques devraient-elles être conduites par la sphère politique ? Je dirais non, elles devraient être impulsées par les médias ! Il existe aujourd’hui une pluralité de médias camerounais présents sur la toile. Il faut savoir que les grandes causes n’ont pas de ligne éditoriale ! Le journal L’équipe spécialisé dans du contenu sportif a bien fait une « Une » sur ce qui s’est passé à Charlie Hebdo. En ce sens, tous les médias, quelque soit leur cible et leur ligne éditoriale devraient pouvoir s’unir d’une même voix pour guider certaines causes. « Le Cameroun c’est le Cameroun » comme dit-on souvent, certains sujets délicats, aromatisés de contours politiques ont beaucoup de mal à être abordés de manière libre par les citoyens. Prenons juste un exemple. Le même jour que l’attentat de Charlie Hebdo, le groupe islamiste Boko Haram a mis en ligne une vidéo menaçant à la fois le Cameroun et Le Président de la République. Malgré la circulation accrue de la dite vidéo sur les réseaux sociaux, aucunes reprises dans les médias principaux du pays (entendez ici CRTV ou Canal 2 qui d’ailleurs ne sont pas très efficaces en terme d’engagement sur les réseaux sociaux). La chose la plus étrange est aussi l’absence de prise de parole publique sur l’événement me dira t-on. Mais bon laissons tomber ce côté, nous nous éloignons du sujet. Pourtant, nous n’avons pas de mal à nous mobiliser pour des causes similaires ayant lieu en dehors de notre pays. Combien de « #JeSuisCharlie » publiés par la communauté africaine et plus précisément camerounaise ? Je ne jette aucune pierre, je l’ai moi même fait. Pour moi la seule explication est que  nous faisons pour l’instant une assez mauvaise utilisation des réseaux sociaux. Au lieu de créer nos propres espaces, nous vivons dépendants de ceux des autres. Combien de médias européens suivez-vous sur les « RS » ? Nous suivons les tendances qui sont imposées par les autres car nos médias à nous ne sont pas capables d’en créer pour fédérer une réelle communauté (PS : certains sont plus occupés à écrire sur la vie de la fille du Président, mais bon passons !)

Alors que faire dans ce cas ? Quand on a l’impression que les personnes qui doivent mener la barque ne le font pas. Moi j’ai envie de dire : on le fait ! Oui, tout simplement, on le fait.

Il existe bien des leaders d’opinion dans la communauté Twitter camerounaise (#Twitter237). Ceux-ci pourraient user de leur capacité d’influence pour conduire des mobilisations. Pourquoi ? Car oui beaucoup diront que cela ne va rien changer. Moi je leur réponds tout simplement car c’est notre pays. Je prends toujours un exemple qui pour moi me semble assez révélateur. Quand nous visitons quelqu’un à l’hôpital l’intérêt n’est pas de le guérir, car si on lui apporte par exemple des fleurs, ce n’est pas un médicament. Le seul et unique but est de le réconforter, de manifester notre soutien, d’être mobilisés pour lui réchauffeur le cœur ! Alors sachez que pour chaque cause  à l’intérieur ou à l’extérieur de nos frontières c’est le même principe. Notre position en tant que jeunes citoyens du monde passe aussi par la mobilisation que nous avons autour des sujets qui touchent le monde qui nous entoure.

J’en ai terminé !

Gaelle Onana

via Nos Petits Carnets

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