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mardi, mars 19, 2024

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Chronique : Le Bikutsi serait-il (enfin) devenu à la mode ?

 

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L’année 2014 a vu passer des tubes tels que « Pala Pala » de Mani Bella, « Made in Cameroon » de Coco Argentée ou encore « Cash (Mets l’argent à terre) » de Jovi. Pour les Camerounais cela est plutôt normal car c’est un genre très prisé dans le triangle d’Afrique centrale, et les plus gros tubes en général sont issus de ce genre musical. Mais lorsqu’il se propage jusqu’en Côte d’Ivoire au point d’inspirer l’un de ses chanteurs de l’heure, Bebi Phillip, on finit par se demander si le Bikutsi serait-il (enfin) devenu à la mode ?

(Devinez le nom des artistes sur le visuel, réponse en fin d’article…)

En août dernier, le chouchou des nanas, l’irrésistible, l’artiste du peuple ou encore Mister BBP, Bebi Philip revenait avec un style assez surprenant, puisé dans les racines même du Bikutsi au Cameroun… Le morceau s’appelle « Mâmâlôkô ». Et si vous ne le saviez pas le talentueux et très mélodieux disc-jockey venu tout droit de la Côte d’Ivoire s’est inspiré du fameux riff de Zanzibar du titre « Essingang » des pionniers du Bikutsi au Cameroun, les Têtes Brulées.

L’interprète de « Move Dadass » a su mélanger guitare solo et instruments, pour nous offrir un rythme coupé-décalé aux vibrations de Bikutsi très dansant. Histoire de redonner un peu de peps à ce Coupé-décalé qui s’essouffle. Bebi Philip a posté sur sa chaine Youtube une démo de la chorégraphie du future clip de Mâmâlôkô » dans lequel ses danseurs rendent hommage aux « Têtes brulées » à la fin de la chorégraphie, avec la reprise (bien qu’un peu maladroite), du fameux pas de danse typique de « Zanzibar »… Stratégie de vente ou réel hommage à la musique Camerounaise ? Quelque soit le cas, c’est malin, et pour notre plus grand plaisir on assiste à une fusion panafricaine.

Les avis divergent sur les réseaux sociaux et points de téléchargements et d’écoute. Et même si tous n’adhèrent pas, avec les fêtes de fins d’années en vue, les Wanda Peeps d’Afrique pourront se défouler dans les Njoka* sur cette sonorité Camerounaise remixée par le jeune DJ.

Les origines du Bikutsi

Rappelons qu’à l’origine le Bikutsi (ou Tipi) est une musique et une danse féminine traditionnelle du Cameroun plus précisément originaire des provinces du Centre et du Sud. C’est une danse traditionnelle de l’ethnie Beti.

Le mot bikutsi signifierait en Ewondo « battement de la terre » (bi est une marque du pluriel, kut signifie battre, pulser, et si signifie terre).

Le Bikutsi est un rythme à 6/8 pratiqué traditionnellement destiné à guérir les maux, calmer la douleur de la perte d’un être cher, soulager la souffrance, ce rituel est exécuté par les femmes assises sur de minuscules tabourets. Elles chantent et frappent de petits hochets ou des bambous coupés en deux dans le sens de la longueur.

Dans les années 80, le groupe mythique Les Têtes brûlées s’est fait connaître pour son Bikutsi dansant et électrique. L’époque où les artistes étaient également de vrais musiciens ! Leur musique reprenait des rythmes ancestraux du Bikutsi mais mis au goût du jour dans un style beaucoup plus électrique grâce notamment au guitariste Theodore Epeme aka Zanzibar. Il faut préciser que le Bikutsi est très difficile à exécuter tant la rythmique est saccadée et demande une capacité de vélocité atypique. Avec leurs costumes excentriques, leur crânes à moitié rasé et la peinture blanche sur le corps, ils sont le groupe de Bikutsi le plus connu au Cameroun et dans le monde. Malgré tout, de nombreux critiques et fans du genre n’acceptent que difficilement leur genre pop et électrique.

Le Bikutsi deviendrait-il à la mode ?

Ces dernières années, le Bikutsi a vraiment le vent en poupe hors de ses frontières habituelles. Il faut dire que depuis environ deux-trois ans, les clips sont de plus en plus de qualité et les stars qui représentent le genre soignent leur look et sont pleines de créativité, s’inspirant d’ailleurs souvent de la culture urbaine. D’ailleurs les plus connues d’entre elles enchaînent les dates de concert un peu partout dans le monde et n’attirent pas que la communauté camerounaise. Un vrai bain de jouvence pour ce Bikutsi devenu un peu poussiéreux au fil du temps, passant d’avant-garde à ringard.

A l’époque, le Bikutsi était surtout populaire au Cameroun et en Afrique Centrale en général puisque partageant le même héritage culturel. Pendant de nombreuses années le Bikutsi a vécu dans l’ombre du Makossa plus populaire et largement adopté en Afrique et ailleurs, malgré le succès fulgurant des Têtes Brûlées.

Au départ, le genre était dominé par la gente masculine. Outre les Têtes Brûlées, on a connu les Mbarga Soukouss ou Nkodo Sitony dans les années 80. Le grand danseur de Bikutsi nommé Ayissi Le Duc et sa grâce ont fait la fierté Camerounaise. Les années 90, les femmes prennent le pouvoir et le « girl power » à la camerounaise est incarné par Katino, la mère du peuple ou Chantal Ayissi. Les années 2000 laisseront place aux Lady Ponce, la nouvelle reine du Bikutsi à l’époque, puis viendront les Letis Diva, Coco Argentée et Mani Bella dans les années 2010…

Depuis peu, les hommes tentent de reprendre le pouvoir via Espo 2 Bens ou encore Bertrand Cloud, même le rap tente de s’en emparer via Jovi et sa fusion hip hop/Bikutsi avec « Cash« , mais l’arène demeure résolument féminine. Et puis en août dernier, coup de théâtre avec « Mamalôko » de Bebi Philip ! Il se pourrait bien que la « bataille » s’internationalise… Et si le Bikutsi était devenu à la mode ?

*fêtes

C.V.F / Lily E.

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